Un mot de travers // 6

Publié le par Semeuse

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A la fin du deuxième jour, l'armature du tableau était posée. Cela représentait la maison au bout de l'étang, mais au printemps, les couleurs étaient fraîches et vives, les volets étaient ouverts...Sergei finissait de peindre un volet. Magda commença alors l'esquisse d'un personnage, un homme.

Il était assis sur le rebord de la fenêtre, elle lui mit un livre dans la main, l'une de ses jambes pendait contre le mur de la maison, tandis que de l'autre il prenait appui dans l'embrasure de la fenêtre ouverte.

Inès siffla Laïka qui devait somnoler quelque part.

"Ah, ça y est tu as commencé Léo! "s'exclama la jeune femme. "Tu en mourais d'envie, hein?! Bon, allez, je vous abandonne un peu, je vais me dégourdir les jambes avec Laïka...Il doit bien y avoir un ou deux lièvres à débusquer par là, hein, ma belle?".

Un courant d'air vint leur rappeler qu'au dehors c'était encore l'hiver lorsqu'Inès sortit.

Le regard de Magda suivit Inès tandis qu'elle et Laïka sortait de l'atelier. Elle lui fit un petit signe que la jeune femme ne vit sans doute pas puis reprit son travail.

Sergei et Gilles ne tardèrent pas eux aussi à s'octroyer une petite balade. Ils partirent tous deux en devisant à propos du travail d'Alex Kanevski, un peintre qu'ils affectionnaient tout particulièrement tous les quatre. 

Malgré la fatigue qui la gagnait peu à peu elle aussi, Magda ne voulut pas lâcher ses pinceaux. En peignant, elle chantonnait doucement une chanson de Pierre Barrou qui parlait de vin qui ne donne pas d'ivresse. Des souvenirs légers ou graves lui revenaient en mémoire, les sensations qu'elle avait eu en plantant son regard pour la première fois dans celui de Léo, comment savait-elle que c'était lui pour la vie? Pour la vie?! Cette phrase pouvait sembler si prétentieuse lorsque quelques semaines plus tard, il avait failli la quitter...parce qu’elle ne supportait plus ses grands éclats de rire, trop grand pour elle ce rire, elle qui venait d'une famille où tout était retenu, où il ne fallait pas claquer une porte par mégarde, ou parler lorsque la radio marchait...ou de toute façon, on parlait peu, juste pour le superflu..."Qu'est-ce qu'on mange?" ..."Quelle heure est-il?"...

Le lin avait absorbé plusieurs glacis de plus en plus nacrés. Magda voulait que ce tableau soit une réussite pour les yeux et pour le cœur. Elle n'en ferait sans doute pas d'autres, ou du moins ses amis ne les verraient-ils probablement pas. En effet Magda sentait bien que sa vie s'enfuyait goutte à goutte, chaque souffle lui coûtait un peu plus. Elle était comme un arbre dont la sève peu à peu se tarit, et elle le savait.

Les médecins n'avaient pas été très clairs, ils parlaient de grande fatigue, de problèmes de plaquettes,  et elle avait déjà subi plusieurs transfusions. Les séjours à l'hôpital se rapprochaient, et Magda n'en voulait plus.

Il fallait que la toile sèche un peu. Il lui restait encore une heure, peut-être deux.


La suite et fin ICI

Publié dans Mini fiction

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C
<br /> trés juste ta réponse...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> :)<br /> <br /> <br />
S
<br /> L'échéance d'une mort prochaine nous volerait l'éternité ?<br /> <br /> <br />
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S
<br /> J'en sais foutre rien, m'dame.<br /> <br /> <br />
U
<br /> Triste et doux comme les souvenirs, ma Semeuse. J'aime bien :)<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Tant mieux, ton avis compte beaucoup pour moi.<br /> <br /> <br />
I
<br /> haletant et superbe<br /> a plus amon retour deVenise<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Bon voyage !<br /> <br /> <br />
C
<br /> la vie comme les glacis, il en faut de ces couches fines pour prendre forme et faire attention au séchage, ne pas aller trop vite...j'imagine ce que cela doit être de faire sa dernière<br /> toile...belle cette lecture et belle journée Semeuse...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> C'est tous les jours peut-être, la dernière toile.<br /> <br /> <br />