La femme dans le mur // Scène III
[Le mur peut être matérialisé juste par un rideau fendu en deux. Lorsqu’un autre personnage tente de passer et qu’il ne peut pas, il suffit qu’il tente d’écarter un morceau sans passage.]
Il n’y a personne sur la scène.
La femme sort du mur. Elle regarde à gauche et à droite puis replonge un bras dans le mur et en sort deux enfants. [Les enfants peuvent être pris dans le public] Ils sortent vers les coulisses en courant. La femme va s’asseoir sur l’escalier. Elle s’y abandonne en arrière, ferme les yeux. L’homme qui pose des questions entre.
-Vous êtes revenue seule ?
[Elle ne bouge pas, soupire.]
-Je vous dérange, vous êtes fatiguée ?
-Oui, épuisée. Mais restez, vous me distrayez.
-Ah, me voici promu officiellement bouffon !
-Encore faudrait-il que je fusse reine.
-Mais vous l’êtes un peu ici. Je n’entends parler que de vous.
-Ah. Les gens n’ont rien d’autre à faire ?
-Il faut croire que non.
-C’est parce qu’il n’y a pas assez d’enfants.
-C’est pour ça que vous allez les chercher ? Pour occuper le monde ?
[Elle se redresse, le foudroie du regard.]
-Vous ne comprenez vraiment rien à rien, vous.
-Non, rien, je compte sur vous pour m’expliquer.
-Je n’explique jamais rien.
-C’est bien ma veine.
-Vous verrez, on s’habitue très bien à vivre sans aucune explication.
-Pas moi. Je suis un chercheur. Il faut que je trouve des réponses, des raisons, des fils conducteurs.
[La femme fouille dans sa poche et en sort un bout de ficelle.]
-Tenez, cadeau de la maison.
-Vous vous foutez de moi ?
-Oui, un peu.
[Elle reprend la ficelle et la remet dans sa poche.]
-Quand j’étais petite mon père m’a offert une boussole.
-Ah oui ? Pour quoi faire ?
-Pour ne pas perdre le Nord.
[Il part d’un grand éclat de rire.
Elle se lève, croise les bras et attend qu’il se calme.]
-Ca vous fait rire ?
-Oui ! Elle est bien bonne !
-Mon père avait beaucoup d’humour. Ca lui a pas mal servi.
-Qu’est-ce qu’il faisait ?
-Il était marchand de sable.
-Et votre mère ?
-Chercheuse d’or.
-Elle en a trouvé ?
-Elle a trouvé mon père. Elle aimait sculpter.
-Il y avait de quoi faire ?
-Oooooh oui !! Et vous ? Vos parents ?
-Je ne les ai pas connus.
-Ah, ils sont morts ?
-C’est ce qu’on m’a dit. Un accident de voiture.
-Ca doit être vrai. Il y en a eu tellement à une époque !
-C’est un moyen simple pour mourir. Ils sont tombés d’une falaise, vers Monaco.
-Je n’y suis jamais allée.
-Forcément, c’est au Sud.
-Forcément.
[Le silence à nouveau s’installe.]
-Je vous remercie Monsieur qui pose plein de questions.
-De quoi ?
-De cette petite musique qui me distrait.
[Il sourit.]
-C’est ça les chercheurs, ils inventent des choses qui marchent parfois.
-Oui, ça marche. Je me sens reposée.
-Je peux savoir quelque-chose ?
-Oui ?
-Comment vous appelez-vous ?
-Ca, c’est une bonne question. Je ne le dis à personne. Je change souvent de nom. On m’appelait « l’autre » autrefois.
-Je peux vous appeler… « l’une » …
-L’une ? C’est joli ! Si vous voulez.
[Elle s’agite, met les mains sur ses oreilles.]
-Les voix ?
-Oui ! J’y vais.
[Elle court vers le mur et disparaît.
L’homme qui pose des questions s’assoit sur l’escalier et pose la tête sur ses genoux.]