CHAPTER 28 // Echiquier

Publié le par Semeuse


Lowenstein tirait doucement sur son cigarillo tout en écoutant distraitement le babil de sa fille. Elles s’étaient donné rendez-vous dans ce french café qu’elles affectionnaient tout particulièrement et où Sarah échappait momentanément aux affaires judiciaires en tout genre qui agitaient le barreau new-yorkais. Jenny lui parlait depuis un bon quart d’heure du mariage de son ex-meilleure amie lorsque tout à coup elle s’arrêta net :

« -Tu ne m’écoutes pas ! » se plaignit-elle en souriant et en tendant la main par-dessus la table pour secouer le poignet libre de sa mère.

-Mais si, ma chérie, je t’écoute, tu me parlais de Diane et de Jonathan, tu t’es sentie soulagée de ne plus rien éprouver pour lui, je te comprends…Il ne sert de rien de s’accrocher au passé. Tu as bien raison, va de l’avant. Un jeune homme romantique…et fortuné t’attend quelque part ! »

Les deux femmes partirent d’un éclat de rire complice.

« -Bon, j’y vais, Karen ne va pas tarder… On doit réviser ensemble.

-Excellente idée ! C’est toujours mieux de travailler en équipe ! Appelle-moi quand tu as un moment, on ira au cinéma ?

-D’accord, à plus tard…Porte toi bien ! Fais attention !

-Ne t’inquiète pas, à plus ! »

Sarah Lowenstein agita la main encore une fois pour saluer Jenny et lui envoyer un baiser. Une fois sa fille partie, elle se replongea mentalement dans le dossier Fraser.

En admettant que son client était innocent, cette surprenante histoire de bille laissait Sarah rêveuse. Mc Kenzie avait vraisemblablement passé l’âge de jouer à quatre pattes dans la rue et les journaux avaient bien insisté sur le fait qu’il n’avait apparemment aucun héritier. Pas d’enfants donc, et encore moins de petits enfants… Un hasard ?! La longue expérience de l’avocate en matière criminelle la portait à ne pas y croire un instant. Non, dans ce genre d’affaires, il n’y avait pas de hasard. Chaque pièce du puzzle était importante, même la plus petite.

Un détail infime pouvait faire basculer une personne du côté de l’innocence ou de la culpabilité et dans l’Etat de New York, tout comme dans la plupart de ceux des Etats-Unis, on ne chipotait pas sur la culpabilité.

Le téléphone de Lowenstein se mit à sonner, la musique du  générique de « mission impossible » emplit un instant le petit café et des visages courroucés se tournèrent vers la quinquagénaire rousse. Elle eut un petit geste d’excuse de la main et pressa l’écouteur à son oreille.

« Maître Lowenstein ? C’est moi ! Jack Fraser ! Lockwood me convoque à son bureau dans une demi-heure ! Je ne sais pas ce qu’il a encore inventé, il m’a dit qu’il avait du nouveau, il veut nous voir, vous et moi !

-OK ! Jack ! Pas de panique, ressaisissez-vous ! Ce n’est peut-être pas plus mal, vous savez, on va avoir enfin l’occasion de lui prouver que vous n’êtes pour rien dans cette affaire !!

-Vous en avez de bonnes, vous ! Ca n’en finira donc jamais ?

-Ne vous affolez pas, Jack, je ne vous laisse pas tomber, je serai là-bas ! Attendez-moi sur le parking des avocats ! »

Elle raccrocha.

Son cigarillo s’était éteint tout seul dans le cendrier ; Sarah poussa un profond soupir. Elle espérait que Jack avait bien suivi son conseil et qu’il n’était pas resté seul ces dernières vingt quatre heures. Il allait peut-être avoir besoin d’un solide alibi. Elle ramassa ses affaires, paya grassement et sortit. Son cabriolet l’attendait et elle fut en deux temps trois mouvements sur le parking du commissariat.

Jack ne tarda pas à arriver, à pied, comme toujours. Son air rebelle était encore plus marqué qu’à l’habitude et il tirait nerveusement sur une cigarette.

« Je croyais que vous arrêtiez de fumer ? » fut la première question de Sarah.

« Oh, ça va, hein, c’est l’hôpital qui se fout de la charité, là ! ».

L’humeur de Jack ne s’était visiblement pas arrangée, Sarah ne s’attendait du reste pas à le trouver très détendu.

« Est-ce que vous avez pensé à m’apporter la bille ? » demanda-t-elle aussitôt, histoire de le remettre dans le bain.

« Je l’ai toujours sur moi… Sauf pour l’interrogatoire, là, je l’avais pas !

-Et tant mieux, il valait mieux que Lockwood ne la trouve pas !

-Pourquoi dites vous ça ?

-Je ne sais pas, une intuition ! Donnez-la-moi ! Tout de suite ! Si vous étiez à nouveau incarcéré et qu’il s’agisse d’une pièce à conviction, je préfère que ce soit moi qui l’aie. Ne vous en faites pas, je prendrai soin d’elle ! » Ajouta-t-elle avec un sourire en coin, comme elle voyait Jack un peu réticent à la lui confier.

Jack vit sa bille avalée par la poche de Lowenstein et se sentit aussi démuni que le Golum du Seigneur de Anneaux au moment où son « Précieux » lui échappait. Un sentiment mitigé de perte et de soulagement l’envahit, et il ne savait plus exactement si c’était la perspective d’un nouvel interrogatoire ou la perte de son drôle de porte-poisse qui le mettait dans cet état.

Il décida de se laisser porter par les événements, cette fois. Il ne parlerait qu’en présence de son avocat, et même, il tournerait sept fois la langue dans sa bouche avant de proférer le moindre son !

En voyant arriver l’étrange paire devant son bureau, la grande haridelle rousse et son Lucky Luke, Lockwood ne put s’empêcher de se demander à quoi pouvait bien ressembler l’ex mari de l’avocate. Il savait quelle réputation de femme indépendante et imprenable elle s’était bâtie, et ressentit une pointe d’admiration, matinée d’amusement.

Lowenstein n’aimait pas les affaires faciles, si tant est qu’il y en eut. En tout cas, Phil ne se souvenait pas avoir jamais entendu parler de beaucoup de défaites de sa part. Au pire, elle s’en tirait avec une partie nulle et n’abandonnait pas facilement.

L’inspecteur appréciait les adversaires à sa mesure. Malheureusement, il ne gagnerait sans doute aucun point Elo dans cette partie là. Elle se terminait trop vite. Quel dommage !

Publié dans La Bille Bleue

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C
<br /> deuxième fois en peu de temps que je vais voir la rousse...s'il te plait dessine moi la grande haridelle...belle soirée Nathalie...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Tu vois, je t'apprends plein de trucs !!! mdr ! <br /> <br /> <br />
U
<br /> Comment ça elle se terminait trop vite?<br /> J'ai loupé quelque chose? Il est au courant le flic, de dreadlocks?<br /> Grrrrrrr.... :)<br /> <br /> <br />
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S
<br /> suite au prochain chapter ... héhé ...<br /> <br /> <br />